Cameroun/ Média : Mutations en situations

Le directeur de la publication du quotidien a démissionné lundi 16 juillet, emmenant avec lui une partie du personnel. Depuis mardi 17, deux titres paraissent sous le même nom. La scission est consommée. Un feuilleton judiciaire en perspective.

Une situation inédite. Mardi 17 juillet, le lecteur a été embarrassé de trouver dans les kiosques deux éditions différentes du quotidien Mutations. Les deux titres portent tous le numéro de parution 1948. Le logo est le même. Sauf que l'un a comme directeur de la publication M. Haman Mana, et pour l'autre M. Alain Blaise Batongué assure l'intérim. L'un propose comme unique sujet de pleine Une " L'affaire Mutations ", alors que le second revient, entre autres sujets, sur la vacance prolongée de la présidence de la Chambre de commerce. Désormais, comme à l'UPC, on aura Mutations tendance Ayangma et Mutations Haman Mana.

La scission touche aussi le personnel. MM. Claude Bernard Kingué, Luc Xavier Deutchoua, Thiéry Gervais Gango, Jules Romuald Nkonlak et autres ont suivi l'ancien directeur de la publication du quotidien de la place Repiquet dans sa nouvelle aventure, Alain Blaise Batongué, Emmanuel Gustave Samnick, Félix Cyriaque Ebolé Bola, Léger Ntiga, Roger Alain Takam, pour ne citer que ces ténors, ont opté pour la fidélité à la South Media Corporation (SMC). Un troisième groupe prend encore un temps de réflexion.

Ainsi donc, une aventure, belle, riche et fascinante pour des générations de journalistes, entamée par une pluvieuse matinée de juillet 1996 après mille péripéties, et entretenue au prix de mille sacrifices, s'achève devant les tribunaux. Juste au lendemain de la célébration du onzième anniversaire, alors que les uns et les autres savouraient déjà les fruits mûrs. Le quotidien Mutations, le magazine Situations et le mensuel Les Cahiers de Mutations ont réussi à faire de la SMC le premier groupe privé de presse au Cameroun.

Voilà que, le lundi 16 juillet, M. Haman Mana invite la presse à l'hôtel Hilton de Yaoundé pour annoncer sa démission de la SMC, mais surtout son départ avec les deux titres phares (Mutations et Situations) du groupe. Il invoque, pour justifier son départ, la censure d'un éditorial signé sous sa plume " dans son propre journal ". Il dit son refus d'admettre que " les valeurs du capital priment sur nos valeurs d'humanisme et de citoyenneté ".

Une position qui surprend à la SMC. Dans un communiqué rendu public mardi, le conseil d'administration de l'entreprise annonce que " d'ores et déjà, une procédure a été engagée pour obtenir réparation de l'acte posé le 16 juillet 2007, et une autre pour les indélicatesses commises par l'intéressé lorsqu'il était au service de l'entreprise, ainsi que l'a relevé, preuves à l'appui, un rapport d'audit ".

La rupture et la scission sont donc définitivement consommées. D'autant plus que M. Haman Mana soutient que les marques Mutations et Situations, protégées par l'Oapi, où elles ont été déposées sous les numéros d'enregistrement 3200700143 pour le magazine et 3200700142 pour le quotidien, sont sa propriété. Et met quiconque en garde pour toute utilisation qui ne ferait pas l'objet de son autorisation.

Dans le même temps, la SMC fait savoir que " s'il est établi que les titres ont fait l'objet d'une protection auprès de l'Oapi par un tiers, simple employé de l'entreprise-propriétaire, la direction considère cela comme un acte de filouterie, de faux et usage de faux, qui expose son auteur aux sanctions prévues par la loi ".
Dans sa déclaration lue aux journalistes le lundi 16 juillet, M. Haman Mana ne croyait pas si bien parler d' " un jour nouveau " pour sa carrière. Un nouveau jour fait d'incertitudes, au regard du feuilleton judiciaire qui s'annonce.

© Repères-cm : Une analyse de Dominique Mbassi