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7 août 2007

Cameroun: Vers une autre rentrée scolaire aux infrastructures scolaires désuètes

Ecole_dans_la_province_du_Nord_CamerounA quelques jours de la rentrée scolaire au Cameroun, prévue pour le lundi 4 septembre prochain, les signes annonciateurs sont déjà visibles dans toutes les villes et les villages. Cette année, les parents soucieux comme par le passé de l'éducation de leurs progénitures s'efforcent tant bien que mal à préparer cette dernière. Elle devient de plus en plus difficile quand l'élève a été exclu d'un établissement ou n'a pas réussi à son examen d'entrée dans une classe du lycée.

Certains vendeurs ambulants, la brouette pleine à craquer, sont présents ici et là. Ils accostent le premier venu pour peu qu'il ait l'air de chercher ou de vouloir quelque chose. " Asso, réssé, ma fille ou Mbombo, fiancé  tu veux quelque chose ? " Et des choses il y en a toujours. Les parents, souvent accompagnés de leurs progénitures ou pas, ont l'embarras du choix entre les cahiers " Eto'o fils ",le classeur " Zidane " ou les sacs à dos" Harry Potter". " Je préfère acheter les fournitures maintenant pour éviter la bousculade de la dernière minute. Encore que maintenant, à mon avis c'est un peu tard ", nous confie Mme Nzoupe Régine que nous avons rencontré au marché central de Douala.

Que ce soit dans les surfaces dites grandes ou à l'extérieur, les parents ou élèves concernés de près par la rentrée scolaires sont rencontrés à tout les coups. Dans les rues les trottoirs sont quelque peu bondées car certains vendeurs ont envahi l'espace. La disposition des rayons dans les grandes surfaces atteste de l'importance accordée au futur événement. Et l'attitude stratégique, comme nous confie un vendeur de livres de seconde main, " c'est de se placer à l'entrée ou du moins tout à côté d'un grand magasin où nécessairement vont se diriger les parents d'élèves ".

Pour d'autres, il faut commencer par les inscriptions pour leurs progénitures en décrochage scolaire. Les Camerounais n'ayant pu trouver ou monnayer pendant les vacances scolaires une place dans les établissements scolaires publics se tournent vers les établissements confessionnels, privés ou laïcs.

Parlant effectivement de ces établissements privés, il faut regarder la réalité en face, faire un tour dans ces institutions scolaires pour mieux les connaître. En passant par les locaux, le matériel didactique, les conditions d'admission, la discipline, le salaire des enseignants... Le constat demeure triste. Un confrère de la place la semaine dernière déplorait déjà dans la ville de Douala et d'autres localités de la province du Littoral "l'existence de plus de  177 établissements scolaires privés laïcs non autorisés : 141 écoles maternelles et primaires relevant du ministère de l'Education de base, et 36 collèges relevant du ministère des Enseignements secondaires." 

Suivant le décret n° 90/1461 du 9 novembre 1990, chaque citoyen camerounais peut créer un établissement scolaire, à condition qu'il dépose dans les services appropriés du MINEDUC un dossier complet comprenant entre autres pièces suivantes:

- Une demande manuscrite timbrée et signée par la partie demanderesse
- Une copie certifiée conforme de l'autorisation de bâtir;
-Le certificat d'adhésion à l'une des organisations de l'enseignement privé prévues à l'article 10 de la loi 87/022 du 17 décembre 1987;
- Une liste nominative du personnel administratif et enseignant;
- Une attestation du compte bancaire de l'établissement, distinct du compte personnel du fondateur ou du responsable de l'établissement;
- La liste des équipements didactiques arrêtée par le Ministre de tutelle, etc.

De fait, ce texte est loin d'être réel sur le terrain. L'impression que nous avons de la non-application de ces textes est celle d'un triste constat qui a pour corollaire indubitable l'existence d'un système éducatif qui a atteint en un temps record l'ère des rendements décroissants.

Chaque fondateur s'attèle à dresser des listes fictives du personnel enseignant, crée quelquefois même des établissements scolaires dans leur domicile privé au risque et péril des malheureux élèves qui sont obligés de s'inscrire quand ils ont tout perdu ailleurs. Certains de nos établissements privés ou laïcs sont devenus des véritables maisons de commerce.

Locaux des établissements privés...

En dehors de quelques exceptions dans nos campagnes, les grandes cités du Cameroun regorgent un grand nombre d'établissements privés qui n'ont que de nom et par conséquent n'ont rien à envier aux bâtiments abandonnés des squatters en Afrique du Sud.

Très souvent, c'est un amas de vieux contre plaqués et de vielles tôles qu'on utilise sur une surface très réduite pour bâtir la maison qui est supposé abriter les citoyens d'un pays qui aspire à l'excellence. Il y a de cela un peu plus de trois ans, l'ancien patron du ministère des Enseignements secondaires de l’époque avait découvert un établissement scolaire à Douala qui traduisait cet état de délabrement des locaux. Quelques temps après son départ des lieux, les mêmes fondateurs reprirent avec leurs activités, quelque fois avec la caution bienveillante de certains hauts responsables du ministère de tutelle..

Dans ces prototypes d'établissements scolaires, les enfants sont entassés dans d'étroites salles de classes mal aérées rendant ainsi la circulation du malheureux enseignant difficile. Des cours de recréation très réduites ne peuvent contenir tous les élèves qui sont obligés d'errer dans les rues à des heures de pause. Le matériel didactique est exécrable et parfois inexistant. Les fondateurs n'ont jamais pensé à une bibliothèque, un laboratoire. Tous ces manquements compromettent l'éducation de ceux qu'ils prétendent encadrer.

Que dire des conditions d’admission dans ces établissements scolaires ?

Les conditions d'admission dans ces établissements sont faciles. Il suffit au début du mois de juillet jusqu'en septembre de se présenter à coûts des frais ne débordant pas quelquefois 6500 frs CFA (presque 10 €). La fréquence de ces concours est toujours récurrente. En moyenne trois sessions d’examens, ceci pour permettre à ceux qui n’ont pas réussi à la session première de se rattraper. Tous les postulants généralement sont admis et les classes de 180 élèves voire plus sont courantes avec des âges disparates.

Le recrutement des enseignants est fonction des affinités avec les dirigeants. Nous avons quelquefois vu des enseignants par exemple de géographie en classe de terminale, titulaire d'un probatoire F (première partie du baccalauréat). Ou mieux encore des diplômés en Sciences naturelles dispenser des cours de littérature française. L’essentiel c’est de pouvoir « entretenir » les élèves, qu’importe le contenu de la leçon. Le drame, c’est que tout ceci se passe devant les yeux des responsables de l’éducation nationale qui sont supposés organiser des séances d’inspections pour s’assurer que dans les établissements scolaires les consignes et les règles appropriées sont appliquées. C’est ainsi que la pédagogie se trouve rangée aux calendes grecques. Le Ministère de tutelle n’a jamais pensé à une rencontre de recyclage d’enseignants. Même un clochard peut devenir enseignant, pourvu qu’il ne conteste pas ce qui lui est donné à la fin du mois en guise de récompense. On ne parle plus ici de salaire.

A la fin d’année scolaire, la liste des élèves exclus devient longue. Les mêmes exclus reviennent l'année suivante à condition de remplir les conditions financières requises. L'année scolaire commence en septembre et s'achève très souvent en avril à cause de la grève des enseignants suite à leur non-paiement.

La majeure partie des inspecteurs pédagogiques provinciaux sont corrompus par la majorité des propriétaires de ces différents établissements scolaires et ne rendent visite qu'aux fondateurs qui n'ont pas pensé à leur remettre une enveloppe. Tout ceci ne peut que traduire l'image du dysfonctionnement du système que le régime en place a cautionné et qui est devenu une pratique courante.

Bintou Fadimata

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