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6 juillet 2008

Afrique: A quelles conditions le développement de l’Afrique ?

Dominique_Ngoie061008200L’Afrique va mal. De plus en plus. L’africain conscient, ou tout simplement celui qui aime l’Afrique, a la douloureuse impression que le recul de ce continent est proportionnel à l’amélioration constante des conditions d’existence dans le reste du monde dit en développement. En tout cas, du point de vue du bien être humain, l’écart ne cesse de se creuser entre l’Occident et l’Afrique Noire.Bénéficiaire intelligent des infrastructures économiques des Boers, l’Afrique du Sud se démarque nettement de cette Afrique où la conjonction de la naïveté, de la ruse et de l’imposture produit ce paysage effrayant qui frappe tout observateur même non avisé.

Depuis la fin de l’apartheid, une classe moyenne active émerge de la population noire, même si la situation des townships reste préoccupante. Les causes profondes, les facteurs qui ont fabriqué à l’Afrique noire ce destin terrible ? Nous les connaissons : la traite négrière et la colonisation. Pour longtemps, elles avaient déréglé les rouages sociopolitiques, socio-économiques des pays africains, broyé leur cultures moquées, piégé et perverti le rapport de soi au monde, de la bonne santé duquel dépend l’épanouissement humain. Un gâchis incommensurable dont les chercheurs ne sont pas encore parvenus à révéler toute l’ampleur. Cette situation indique en même temps le devoir de conscience des africains sur l’état de leur société s’ils veulent s’en sortir. Ce n’est pas impossible.

Le désordre des sociétés africaines peut être daté. Une séquence de l’histoire de l’humanité lui avait donné un commencement. Il peut donc cesser. Il n’est pas le résultat éternel d’un décret des dieux. Et cela engage la responsabilité des africains et de leurs partenaires.

La traite négrière et la colonisation, si elles furent une cause structurante du désordre africain, n’avaient pas pour autant scellé le destin de l’Afrique. Celui-ci reste déchiffrable à condition que les africains prennent conscience, remontent aux causes de leurs malheurs, et aient le courage de prendre à bras le corps des solutions difficiles. L’identification nous met sur la voie de la guérison, puisqu’on peut alors trouver le remède. Encore faut-il que le patient consente à suivre les prescriptions du médecin ; pourvu que le remède soit adapté. Aucune société ne s’est construite sur la fuite des responsabilités.

Aucune société ne s’est construite en tournant le dos au bon sens. Je crains que, en dehors des cercles politiques où son usage est galvaudé pour ne plus rien vouloir dire, le terme responsabilité ait perdu son poids de sens en Afrique noire (nous parlons des affaires bien sur !). Cette Afrique noire où les élites inscrivent leur action dans la logique de prédation et d’exploitation qui avait pourtant nourri leur contestation du régime colonial. Tout en la condamnant de bouche, ces élites politiques reproduisent l’idéologie coloniale d’exploitation cynique, tant elles sont fascinées par l’économie consumériste. Progressivement elles se sont détournées de leur patrimoine culturel dans lequel elles devraient pourtant puiser pour trouver solution à nombre de mots qui assaillent les sociétés africaines. Elles singent le modèle occidental, quitte à s’en détourner avec horreur dès que ce modèle parle de devoir de conscience, de rigueur et montre l’effort individuel et collectif comme base du progrès de l’humanité et des nations.

Le défaut d’éthique citoyenne chez les élites africaines explique qu’elles vivent éjectées en quelque sorte hors d’elles-mêmes et vivent loin des préoccupations des populations dont elles prétendent être les dignes représentants. Des populations pourtant pas si sottes, qui sont passées maitres de la récupération, du recyclage et de l’économie informelle, dont, on peut bien le dire, vivent les masses africaines des bidonvilles et des villages, démontrant par là jusqu’où elles n’iraient pas si elles avaient des dirigeants honnêtes et attentionnés. Nos élites ne s’intéressent à ces populations qu’en permanence elles arrosent de leur arrogance méprisante qu’en période électorale où la voix de chaque femme, de chaque homme vaut son pesant d’or. Ces élites extraverties qui vivent en permanence branchées sur les médias occidentaux et les divertissements qu’ils proposent ne rêvent que de l’Europe.

Tous les jours des avions en provenance d’Afrique en sont bondés, où on les reconnait à leur air suffisant. Cela fait qu’elles expatrient en Europe tout le produit de leurs rapines sans souci de l’Afrique à bâtir ; et parce que le développement de l’Afrique est le cadet de leurs soucis, c’est sans vergogne qu’elles la pillent avec la même fureur que hier les colons et depuis les indépendances, les multinationales qui se comportent en pays conquis avec la bénédiction des élites africaines elles-mêmes acquises à l’idéologie et aux valeurs criminelles des multinationales. Ce faisant ces élites sont parfaitement conscientes des haines tenaces que leurs populations nourissent contre elles (il s’agit là bien entendu des pays où sévit la malgouvernance. Des pays comme le Ghana, l’Ile Maurice, le Botswana, une infime minorité, s’en sortent assez bien). Voila pourquoi ces élites s’interdisent d’investir dans leurs propres pays l’argent qu’elles leur volent. Souci bien compréhensible, à tout instant, le produit inespéré de leurs rapines peut aller en fumée.

Seuls donc le respect scrupuleux des principes d’une gestion démocratique capable de régler le problème de l’ethnicisme peut inverser la tendance, provoquer un mouvement centripète de ces élites extraverties et faire naitre l’ordre dans des sociétés sécurisées. L’ordre et la confiance.

Par Dominique Ngoie-Ngalla

NDLR: Dominique Ngoie-Ngalla est Docteur d’Etat-es-Lettres et Sciences Humaines de Par 1 Sorbonne. Professeur à la Faculté des Lettres et Sciences Humaines au Congo, il a aussi enseigné à la Faculté de philosophie de l’Université d’Amiens en Picardie (France). Signalons la republication en France d’une des ses oeuvres littéraires emblématiques, “La Geste de Ngom-Mbima, suivi de Chants d’ancrage”, Editions Bajag-Meri, 38 rue Servan 75544 Paris cedex 11, Tél: 01 46 36 21 85.

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