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15 mars 2009

Afrique, Félix Roland Moumié et Mehdi Ben Barka : Des démocrates africains tués par des démocraties occidentales

Ben_Barka_Moumie121009400Ceci dit, même si les présidents africains actuels sont hautement responsables des dictatures qu’ils construisent et renforcent eux-mêmes au 21ème siècle, il semble pertinent de souligner qu’une partie de la reproduction des dictatures sanguinaires peut provenir du fait que les démocraties occidentales ont tué dans les années soixante les Africains les plus démocrates et ont confié le pouvoir politique à de marionnettes n’ayant aucun idéal démocratique.Un regard historique sur l’histoire politique subsaharienne montre que l’Afrique Noire n’a pas uniquement connu des élites loufoques, lugubres et sanguinaires à la Mobutu, Idi Ami Dada ou Dadis Camara.

Le continent africain que certains médias et acteurs politiques internationaux présentent aujourd’hui comme allergique au projet de société démocratique, est aussi celui-là dont plusieurs fils épris de démocratie furent froidement assassinés par les Etats occidentaux dits démocratiques.

Au moment où le lugubre, obscurantiste et exécrable Dadis Camara remet l’Afrique au devant de la scène des dictatures sanglantes, il semble opportun de rappeler que la culture d’un pouvoir politique répressif et assassin nous a aussi été transmise par nos anciennes métropoles qui, au nom de la « Mission civilisatrice », ont éliminé ceux des Africains qui revendiquèrent très tôt la liberté, l’autonomie et l’équité de traitement entre eux et les Blancs.

Mehdi Ben Barka et Félix Roland Moumié n’ont-ils pas été liquidés parce qu’ils revendiquaient un mode de vie et de gouvernance que les Occidentaux appellent démocratie ? Un regard historique répond positivement à cette question est explique aussi en partie pourquoi l’Afrique Noire tangue dans son processus démocratique. En effet, il semble fort probable que des démocrates comme Moumié ou Ben Barka au pouvoir dès les années soixante, auraient donné une trajectoire plus démocratique aux régimes en vigueur en Afrique comme le fit Nelson Mandela pour l’Afrique du Sud.

Malheureusement ce sont les relayeurs des pouvoirs coloniaux sans idéal démocratique qui ont hérité du pouvoir et ont reproduit les pratiques sanguinaires de l’Etat-colonial dont ils assurent la continuité. Cette réalité politique entraîne que la rationalité politique gagnante en Afrique Noire consiste à ne pas trop revendiquer des rapports démocratiques avec les anciennes puissances coloniales si on veut faire long feu au pouvoir. Mobutu, Bongo, Ahidjo, Biya, Eyadema et bien d’autres l’ont compris contrairement à Lumumba, Moumié, Ben Barka ou Thomas Sankara.

Ceci dit, même si les présidents africains actuels sont hautement responsables des dictatures qu’ils construisent et renforcent eux-mêmes au 21ème siècle, il semble pertinent de souligner qu’une partie de la reproduction des dictatures sanguinaires peut provenir du fait que les démocraties occidentales ont tué dans les années soixante les Africains les plus démocrates et ont confié le pouvoir politique à de marionnettes n’ayant aucun idéal démocratique. En conséquence, le système politique dictatorial a fait école et a pris racine au point où l’Afrique connaît aujourd’hui non seulement un Blaise Campaoré qui reste plus longtemps au pouvoir que Thomas Sankara, mais aussi un Eyadéma, un Kabila et un Bongo-fils qui succèdent à leurs pères à la têtes des pays africains. La situation est encore plus préoccupante lorsqu’on sait que certaines démocraties occidentales qui donnent des leçons de bonne gouvernance ont non seulement tué Ben Barka et Félix Moumié, mais aussi ont fait disparaître leurs corps. Pis encore, non seulement la France vient d’annuler les mandats d’arrêt émis contre les assassins des Mehdi Ben Barka il y a 44 ans, mais aussi le procès de Félix Moumié s’est conclu sur un non lieu. C'est-à-dire que les justices de ces démocraties occidentales disent aux familles de ces victimes de la liberté : circulez il n’y a rien eu et il n’ y a rien à voir. Dadis Camara ne dit-il pas la même chose à ses victimes ?

Cette profondeur historique est importante. Elle montre comment des faits lointains influencent la vie politique contemporaine en Afrique et prouvent que la terre de certaines démocraties occidentales et souillée du sang de démocrates africains qui auraient pu donner une autre trajectoire politique à au continent noir. Le flux explicatif de l’histoire montre que les bourreaux de la démocratie africaine ont parfois été des démocraties occidentales guidées par leurs intérêts clientélistes et égoïstes.

© Correspondance : Thierry AMOUGOU, Président de la Fondation Moumié, UCL, Belgique

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