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18 mars 2009

Cameroun: Nos emblèmes constituent t-ils encore des symboles forts de ralliement ?

Drapeau_Cameroun141008275La cérémonie de la levée des couleurs  au Cameroun a t-elle encore sa place d’antan au sein du subconscient collectif des Camerounais ? Autrefois, chaque citoyen qui suivait l’hymne national s’arrêtait pour rendre les honneurs à la Nation. C’est ainsi que lors de l’exécution de cet hymne, les usagers de la route s’arrêtaient, le temps de rendre honneur à la patrie, de renforcer constamment leur élan de patriotisme en tout temps et en tout lieu, gage d’un épanouissement collectif.

De nos jours nous constatons avec regret que le respect de cette tradition nationale s’est effrité. Ce mépris de nos emblèmes nationaux s’observe presque dans tous les secteurs de la Nation. Pourtant, la Levée des couleurs à une signification multiple. Basiquement, c’est le début de la journée du compatriote, c’est surtout un moyen de rappeler aux uns et au autres ce pourquoi il s’est engagé, les valeurs de la république. C’est aussi un hommage à tous ceux qui sont morts pour défendre la patrie. C’est également un symbole d’unité, d’hommage à la Nation. Le drapeau tricolore du Cameroun (Vert, rouge et jaune) tout comme l’hymne national représentent une marque expressive de souveraineté dans l’affirmation de l’Etat.

Pour comprendre ces significations hautement symboliques, c’est lors de l’Assemblée Législative du Cameroun (ALCAM), pour reprendre le Professeur Roger Gabiel Nlep(1), de regrettée mémoire, que de 1957 à 1958, en séance plénière, le drapeau de la République est adopté dans cette auguste chambre le 24 octobre 1957 par le projet d’emblème N° 3/A par 06 voix pour, aucune contre et une abstention. Ledit drapeau du Cameroun renferme les caractéristiques suivantes : trois bandes verticales, de même dimension, vert à gauche, rouge au milieu et jaune à droite.

Selon la même source, il convient à préciser que l’adoption du drapeau de la République n’avait pas été facile à l’Assemblée où certains élus du peuple soutenaient mordicus que les couleurs nationales devaient avoir un insigne de crevette sur la bande rouge, pour traduire l’origine du nom Cameroun donné par les explorateurs Portugais au fleuve Wouri  » Rio Dos Camaroes « , c’est-à-dire la rivière de crevettes. Mais, certains députés vont réfuter cette suggestion en affirmant que si le drapeau du Cameroun porte cet insigne une partie de la population risque de réclamer l’appartenance d’un emblème qui se veut national.

Le lendemain, c’est-à-dire le 25 octobre 1957, au cours de la même session, le projet d’un hymne officiel N°3/B est voté à main levée par 34 voix, contre 08 avec une abstention.  » Ô ! Cameroun, berceau de nos ancêtres ». Chant populaire écrit par les anciens élèves de l’Ecole Normale de Foulassi. Les 11 et 12 février 1961, l’ONU organise séparément des plébiscites sur les deux territoires du Cameroun britannique : le Northern Cameroons et le Southern Cameroons (3). Des résultats définitifs proclamés le 15 février 1961 suivant un décompte séparé des  suffrages, il ressort le choix des populations du Northern Cameroons pour le rattachement à la fédération nigériane tandis qu’au Southern Cameroons, le choix pour le rattachement à la République du Cameroun indépendant est acquis par 231 571 suffrages contre 97 741 pour le rattachement au Nigéria. Dans la suite logique des choses, la Résolution  1608 (XV) du 21 avril 1961 (Assemblée Générale) prend acte des résultats. Son article 4, alinéa 9 stipule que «   le Cameroun septentrional s’unira à la Fédération du Nigéria en temps que province séparée de la région du nord de la Nigéria « .

L’article 5 par contre invite  » l’Autorité de tutelle ainsi que les gouvernements  du Southern Cameroons et de la République du Cameroun à entamer d’urgence des pourparlers afin de parachever avant le 1er Octobre 1961 les accords de mise en oeuvre des politiques convenues et déclarées par les parties intéressées en vue de l’union du Southern Cameroons et de la République du Cameroun pour former une  » République Fédérale Unie du Cameroun « . Le Cameroun obtient la Réunification le 1er octobre 1961 avec deux Etats fédérés et un Etat fédéral. Pour marquer cette étape deux étoiles jaunes dorées sont frappées sur la bande verte. Avec l’avènement de l’Etat Unitaire du Cameroun, le 20 mai 1972 une étoile dorée est frappée sur la bande rouge. […]

Et que dire de notre hymne national  » Ô ! Cameroun, berceau de nos ancêtres »?

C’est en 1928 à Foulassi que les élèves de la première promotion de l’Ecole normale de  la même localité composeront les strophes de l’hymne national.Foulassi, petite localité située à quelques kilomètres de Sangmelima est peu connue de nombreux Camerounais. Pourtant  Foulassi est le berceau de l’hymne national du Cameroun.

L’histoire retiendra aussi que René Jam Afane, compositeur des paroles et Samuel Minkyo Bamba, compositeur de la musique comme principaux auteurs. En 1928, Foulassi est l’une de nombreuses stations de la Mission Presbytérienne américaine au Cameroun. Cette petite localité abrite une Ecole normale qui forme en trois ans des instituteurs. Cette année là, comme nous l’apprend Antoine Edo (2), l’école est dirigée par un pasteur de nationalité française, le révérend Camille Armand Chazeau. Il fut proposé aux élèves de fin de formation un devoir d’instruction civique au titre évocateur :"exprimer leur espoir en l’avenir du Cameroun ".

Les élèves se mettent au travail dans la salle d’étude qui leur sert en même temps de bibliothèque. Le lendemain matin, en classe, chacun lit son devoir à haute voix. Les meilleures phrases sont portées sur le tableau noir. Certains élèves qui s’intéressent à la poésie, comme René Jam Afane, le plus doué de tous ces poètes en herbe, fait la synthèse de toutes les phrases et sort finalement des paroles qui sont contenues dans les deux strophes ( version originale) de notre hymne national. Il leur donne le titre de « chant de ralliement camerounais. Après la lecture de ces paroles devant tous ses camarades de promotion.[…] Il est alors question de composer une mélodie devant accompagner ces paroles, les camarades font appel aux trois musiciens de la promotion : Michel Nkomo Nanga, Moïse Nyatte Nko’o et Samuel Minkyo Bamba. Les trois musiciens se mettent au travail, séparément. » (Cf.P-P23-24, Le cameroun. Arts, histoire et traditions de Bernard Puepi et Henri Njomgang, Ed harmattan).

Selon la même source, ces compatriotes musiciens vont travailler assidûment et sans arrêt pendant deux mois. Leurs  œuvres  seront auditionnées et celle de Samuel Minkyo Bamba retiendra l’attention des deux autres musiciens et des camarades de promotion. Selon les propos de Samuel Minkyo Bamba diffusés en 1995 lors d’une émission de la télévision nationale la CRTV, il se devait dès lors d’enseigner cette chanson à ses camarades. Ce chant de ralliement fut ainsi enseigné dans toutes les écoles du Cameroun et fut adopté par la première assemblée législative (1957-1959) comme hymne national du Cameroun (loi n°57 -47 du 5 novembre 1957). Toujours en 1991, la CRTV au cours de cette même émission avait présenté à l’une de ses éditions des journaux parlés, la rétrocession d’un grand bâtiment à Minkyo Bamba de son vivant pour lui  manifester «  la reconnaissance de la nation » pour son œuvre. L’un de nos confrères du quotidien Le jour s’étant rendu à Bikala en novembre 2007 avait entendu dire des membres de la famille de Minkyo Bamba qu’il s’agissait d’une « fausse image » et que rien n’avait été fait en guise de reconnaissance des œuvres de ce héros. Mais, il faut dire la vérité en se regardant dans les yeux,  car ce tableau du respect de nos emblèmes serait plus reluisant si les gouvernements successifs de Ahidjo et de Biya avaient mis les moyens pour poursuivre les objectifs fixés dans la Constitution. Au Cameroun, leur respect est encore une théorie d’Etat. Il n’est pas encore une expérience éprouvée et partagée par le commun des citoyens.

Quelles sanctions pour ceux qui foulent au sol nos emblèmes nationaux ?

Alors, l’atteinte au respect des emblèmes nationaux est une attitude condamnable, surtout que le projet de l’emblème N°3/A stipule en son article 2 « l’outrage ou l’injure envers le drapeau du Cameroun sous quelques formes qu’ils aient été accomplis, qu’ils aient été faits verbalement, par écrit ou par quelque geste que ce soit, seront punis d’un emprisonnement de un à trois mois et d’une amende de 5000 à 25 000 francs CFA « . Nous constatons également avec regret que l’éducation de la morale et du civisme n’est plus une obligation dans nos programmes scolaires. Pour cela, il devient de plus en plus impérieux d’imposer le respect de nos emblèmes dans nos moeurs, nos us et coutumes en faisant renaître chez les citoyens l’amour et le sens patriotique, gages de tout succès.

Pour y parvenir nous pensons que l’assemblée nationale devra consacrer un chapitre sur cette question lors de leur prochaine rentrée parlementaire. Une idée qui est déjà partagée par la Fondation Moumié dans l’une de ses résolutions (4)

Ref : (1) Notes Sciences Administratives, programme de Maîtrise (Roger Gabriel Nlep)

(2) Antoine Edo, Fleurs du nationalisme Camerounais Vol.1 FMPS.Ebwa, pp.110-113)

(3) (3) Excerpts From plebiscite message and The Two Alternatives, Reproduced for AACII, Printed by Unique Printers, Bamenda; et Southern Cameroons Plebiscite, 1961- The Two Alternatives,  Bamenda, Printed By Authority. Voir aussi Alain Didier OLINGA, « La question anglophone dans le Cameroun d’aujourd’hui », Revue juridique et politique indépendance et coopération, Oct – Déc. 1994, n° 3, p. 297.

(4) Fondation Moumié, notes 24 Genève, Mai 2009.

Par Hugues Seumo in Le messager | Lundi 7 décembre 2009 | Le Messager

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