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18 juin 2009

Comment les jeunes candidats à l’immigration rejoignent-ils l’Espagne, via les îles Canaries ?

Immigration_clandestine0309Un témoin qui tient à garder l’anonymat raconte. Ce jeune homme d’une vingtaine a choisi de tenter cette aventure périlleuse. A l'occasion de la fête de fin d'année organisée par des associations camerounaises, Burkinabés et sénégalaises réunies à la Faculté des Sciences Juridiques Economiques et Sociales  de la ville de Oujda ( ville marocaine située au nord-est du royaume du Maroc à 50 km de la côte méditerranéenne, capitale administrative de la région de l'Oriental, Ndlr) le 1er janvier dernier, nous avons rencontré à l'occasion la maman d'un jeune homme candidat à l’immigration.Selon cette dernière cela fait exactement 6 ans comme son fils, sans emploi est parti du Burkina pour le Sénégal. Arrivé à Dakar en 2000, il donnait encore de ses nouvelles à toute la famille restée au Burkina jusqu’au jour où il est revenu de force à Ouagadougou puis reparti en silence quelques mois après.

Originaire d’une famille de forgerons, il vit à Dakar. En 2002, il tente trois fois de se rendre aux îles canaries sans succès. Incarcéré au Sénégal il sera libéré quelques semaines plus tard et rapatrié au Burkina. En 2003, il est parti sur la pointe des pieds, malgré le fait que ses parents cherchaient à  le dissuader de ne pas y aller.

Arrivé au Sénégal une fois de plus, il retrouve ses anciens amis qui se préparaient à voyager. Juste le temps pour lui de faire la petite pêche pour amasser autant d’argent nécessaire pour son transport. Ses compagnons de voyage vont le laisser car il n’était pas encore prêt.

En 2005, de nouveau, il doit tenter de traverser la côte par les Îles canaries. Mais ils sont stoppés net à 400 km de la côte Sénégalaise.

Le jeune ne décourage pourtant pas, car il va cette fois chercher à passer par la Mauritanie sans succès bien évidemment. Il doit revenir au Sénégal. C’est finalement en 2006 qu’il voyage avec les Baol-Baol (Grosses clientèle à l’immigration) à bord d’une pirogue ayant à son bord plus de soixante jeunes. Dans cette pirogue, tout le monde se connaît car ce sont tous des récidivistes.

Pour ceux qui ont décidé de braver les rigueurs de la mer, ce sont six jours de traversée qui les attendent. De la Côte Sénégalaise aux îles Canaries, c’est une distance de presque 1487 kilomètres. «  Contrairement à ce que l’on pense, estime les voyageurs, c’est une épreuve qui n’effraie en rien un vrai pêcheur de la Petite Côte. Là-bas, on a l’habitude d’aller en haute mer pour des campagnes de pêche qui peuvent durer parfois deux semaines ».
 
Des tarifs différenciés...

Pourquoi cette entreprise est-elle présentée comme étant très périlleuse au point de faire perdre la vie à ceux qui la tentent ?  Les risques résident fondamentalement dans l’habitude qu’ont les candidats de la mer. La plupart des candidats à l’immigration ne découvrent pas la haute mer pour la première fois disent ils. Ils sont peu nombreux qui voyagent pour la première fois en empruntant la voie maritime. En cas de bobo en pleine mer, c’est un sauve qui peut et ceux qui ne savent pas nager sont bons pour la noyade. Ajoute-t-ils.

Selon   Mamoud , ancien candidat à l’immigration d’origine Mauritanienne découragé par le difficile voyage qu’il a tenté sans succès en plusieurs reprises, ce n’est que le climat qui peut être préjudiciable en cas de noyade.En cas de saisine d’une pirogue par les autorités sénégalaises, les  passeurs choisissent d’en faire construire une autre. Ils doivent alors débourser à peu près  quatre millions de francs Cfa. (6000€)  Un investissement largement amorti, compte tenu des tarifs appliqués aux candidats à l’immigration.

Chaque voyageur dispose d’un prix préférentiel en fonction de ses aptitudes techniques. C’est ainsi que ceux qui maîtrisent le “ Latch ” ou manœuvre de la pirogue paient moins de 500 000 frs CFA (750€), les autres peuvent débourser jusqu’à 650 000 Frs Cfa ( Presque 1100€).

Les commerçants et hommes d’affaires qui veulent envoyer des membres de leurs familles, sont une cible privilégiée des rabatteurs. Avec la complexité qui caractérise l’obtention des visas dans les ambassades occidentales, les prix ont flambé. Certains déboursent jusqu’à deux millions de francs Cfa (3000€) pour pouvoir offrir à leur frère ou cousin ou à eux-mêmes, le voyage tellement rêvé. Dans de telles conditions, la voie maritime est comme une aubaine pour les candidats à l’immigration avec ses coûts nettement plus abordables.

Tenez, si le patron de l’opération voyage par exemple avec 100 personnes à bord de son embarcation, il aura réussi à regrouper en moyenne (1000 € multipliés par 100 personnes) dont un total de 100 000 euros.

Mais tout cet argent ne finira pas uniquement dans sa poche. Il lui faudra investir dans l’achat de deux moteurs neuf à presque 6000€ .La pirogue fonctionne avec deux moteurs qui tournent alternativement. En plus de certaines pièces de rechange de première nécessité comme les bougies, des câbles d’alimentation et des courroies dont il faut se prémunir, il faudra également en moyenne 2000 litres de gasoil, ce qui revient à près de 3000€

Quid le voyage

A l’embarcation, les transporteurs contrôlent les voyageurs comme dans les aéroports internationaux afin d’éviter les infiltrations. Chaque voyageur est identifié. A l’appel, chacun se dirige vers l’embarcation. A l’entrée de l’embarcation, ils sont fouillés afin de voir s’ils ne possèdent pas des objets tels des lames de rasoirs, couteaux etc. dans leurs poches.
Une fois le voyage prêt. C’est le début de la prière en plusieurs langues locales. Que l’on soit chrétien, animiste ou musulman, chacun se livre à cet exercice. Ensuite commence alors le véritable parcours du combattant.

Pas de douche, les besoins satisfaits  en public dans les pots ou des boîtes de conserves que l’on balance en pleine mer aux bons soins des poissons. La pirogue est polluée par des odeurs de nourriture et de vêtements qui n’ont plus pendant des jours de la traversée été lavés et des gris gris….  L’essentiel c’est d’arriver qu’importe la situation dans laquelle l’on se trouve, affirment plusieurs d’entre les voyageurs. En cas de contrôle par la police maritime, personne ne dispose du droit de désigner le transporteur. C’est la loi du groupe.

Et les repas ?

Chacun doit prévoir des repas qui sont des  provisions individuelles, faites de lait, de beignets, cacahuètes et autres qu’ils mettront à contribution entre les deux repas servis par les transporteurs. Ces derniers emportent également avec eux une cargaison importante de repas précuits. Un premier est servi le matin et le second au crépuscule.

Certains voyageurs au bout de quelques jours meurent de fatigue. (Chaque embarcation disposant d’un pasteur ou d’un imam improvisé). Ils sont balancés en pleine mer après une brève prière faite par l’un des voyageurs.

S’ils parviennent à arriver à destination,  chacun dispose de quelques secondes pour disparaître dans la nature et le transporteur aura bénéficié. Plusieurs d’entre ces transporteurs sont également des candidats à l’immigration. La pirogue est abandonnée avec tout son contenu.Pour ceux qui ne réussissent pas, s’ils  se retrouvent dans les trousses de la police maritime, après quelques jours de leur prise en charge, ils sont rapatriés dans leur pays d’origine. Au cas contraire, si les familles restées dans leurs différents pays d’origines n’ont plus de leurs nouvelles, soit ils sont cachés quelque part, soit ils sont décédés suite à un naufrage. Comme quoi le voyage de non retour n’effraie plus ces voyageurs. A méditer.

© Camer.be : Hugues SEUMO

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Commentaires
C
un bel article!
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