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7 avril 2013

Cameroun,6 Avril 2013 - Itinéraire: Que sont donc devenus ces hommes qualifiés de «putschistes» ?

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Si la plupart des hommes qui ont pris les armes contre les institutions de la République le 6 avril 1984 sont morts ou déclarés « portés disparus » par leurs familles, certains ont, soit intégrés le système dominant pour ceux qui se sont repentis, pendant que les irréductibles ont préféré se reconvertir dans les affaires et dans l’agriculture. Ceux des jeunes Camerounais qui, à l’époque, ont étudié au lycée général Leclerc entre 1983 et 1984, précisément dans les classes de seconde, se souviennent certainement de cette lettre que leur a envoyée en septembre 1984, leur camarade de classe, l’un des fils aînés du colonel Salé Ibrahim. Le jeune homme écrivait alors de manière très émouvante à ses camarades des classes de seconde du lycée général Leclerc : « Chers amis, j’espère que vous allez tous bien. (…). Quant à nous, Inch Allah, nous allons tous bien mes frères et moi-même. Nous sommes avec notre maman ici au village dans la banlieue de Garoua. Nous pensons à vous tous à Yaoundé. Quant à notre cher papa, il est déclaré porté disparu après les évènements que vous connaissez. Nous ne savons pas si un jour, nous le reverrons ou reviendrons vers le Sud Cameroun ».

Cette lettre de celui qui était alors jeune élève, (à l’époque bien connu pour sa jovialité avec ses camardes du lycée général Leclerc) avait ainsi fait prendre conscience à ses camarades de l’époque, de l’immensité du drame qui tournait autour des tristes et douloureux évènements du 6 avril 1984. En tout cas il eu fallu que ce jeune garçon, dont l’âge approchait alors la vingtaine, fut naïf pour croire que son géniteur, le colonel de gendarmerie Salé Ibrahim, commandant de ce qui était alors la toute puissante Garde républicaine, dont les éléments avaient été mêlés à la tentative de coup d’Etat du 6 avril 1984, serait encore en vie, au moment où il donnait des nouvelles à ses camarades. Comme le colonel Salé Ibrahim, ils sont ainsi près d’une centaine de sous-officiers, et officiers de la gendarmerie nationale, et anciens éléments de l’ex-Garde républicaine, presque tous originaires du Grand Nord-Cameroun, et qui ont pris part à cette tentative de putsch du 6 avril 1984, qui sont déclarés « portés disparus » par leur familles respectives. Et comme le dit Guibaï Gatama, le directeur de publication de l’hebdomadaire L’Œil du Sahel, « ils attendent toujours avec anxiété depuis de nombreuses années, qu’on leur remette les corps de leurs parents, afin qu’elles puissent enfin faire leurs deuils. »

Selon divers témoignages, dans l’ambiance de cette grande répression des putschistes, qui a suivi l’échec de cette tentative de coup d’Etat, on cite une banlieue de la ville de Mbalmayo comme lieu où se serait opéré « la grande boucherie des putschistes », pour reprendre l’expression d’un ancien officier des forces de défense, aujourd’hui à la retraite, et qui a participé aux opérations de reconquête de la ville de Yaoundé en avril 1984.

Entre « portés disparus » et survivants

Pour ces malheureux soldats de l’ex-Garde républicaine, et leur chef tel que le Colonel Salé Ibrahim, reconnus tous coupables par une Justice militaire aux ordres et qui s’est rapidement prononcée, plus rien à dire aujourd’hui, 29 ans après. Ils sont tous morts. La liste des noms de ces infortunés a été rendue publique il y a quelque temps par l’hebdomadaire L’Œil du Sahel. Il en est de même de quelques civils considérés à tort ou à raison, comme les concepteurs de cette tentative de renversement de Paul Biya. A ce niveau, on cite le nom d’Issa Adoum par exemple. L’ancien directeur général de l’ex-Fonader est lui aussi porté disparu. On imagine que les cruelles balles sorties des crépitements des armes lors des exécutions de Mbalmayo ne l’ont pas épargné.

Par contre, il reste quelques rescapés de ce putsch. Il s’agit des gens qui ont été sauvés à la dernière minute par la grâce de Dieu, à travers des scénarii inéluctablement invraisemblables. C’est le cas d’un certain Marafa Hamidou Yaya. Difficile de savoir à ce jour, si l’ancien ministre d’Etat secrétaire général de la présidence de la République était vraiment un putschiste. Il a toujours clamé son innocence. En tout cas une certaine légende rapporte que c’est au moment où on voulait l’amener du côté de Mbalmayo où se seraient déroulées la plupart des exécutions que de justesse, il aurait été sauvé. Marafa a, en tout cas longtemps intégré le régime Biya, au point d’en devenir un grand baron. Avant de tomber récemment en disgrâce.

Les repentis

Dakolé Daïssala lui a toujours clamé son innocence dans cette affaire de putsch du 6 avril 1984. Il a même écrit un ouvrage à ce propos. En effet, « Libre derrière les barreaux » raconte un peu la grosse confusion qu’il y a eu autour de tous les hauts cadres nordistes, considérés par les tenants du pouvoir qui avait alors subi une agression armée, comme étant forcément tous putschistes. Dakolé Daïssala a donc fait pour cela de longues années de prison du côté de Sa’a dans le département de la Lékié. Avant d’être élargi et plus tard a intégré le régime à la faveur du retour au multipartisme et au lendemain des élections législatives de mars 1992 qui a vu son parti le Mdr gagner quelques sièges à l’Assemblée nationale.

Issa Tchiroma Bakary, l’actuel ministre de la Communication fait partie des gens considérés à l’époque comme putschistes. La preuve, ce haut cadre, ingénieur des travaux de chemin de fer, a lui aussi été arrêté puis jeté en prison du côté de Yoko où il a passé près de dix ans. Après avoir miraculeusement échappé à la mort, on l’a retrouvé au devant de la scène politique au début des années 90 comme militants de l’Union pour la démocratie et le progrès (Undp) de Bello Bouba Maïgari. Opposant virulent et nostalgique de l’ancien régime, il l’était.

Avant de reformuler récemment un revirement à 180% envers le président Biya qui l’a nommé ministre de la Communication. Comme lui, on parle aussi de Niat Njifendi Marcel comme étant dans le registre des hommes qu’on a qualifié d’anciens putschistes. L’Ancien directeur général de la Sonel a lui aussi été arrêté dans la série des vastes arrestations qui ont suivi la reprise du contrôle de la situation par les soldats loyalistes. Le sens commun ignore son niveau d’inculpation dans cette affaire du 6 avril 1984. Toujours est-il qu’il a été vite libéré et a intégré le système au point de cumuler pendant des années, d’importants postes de responsabilités : vice-premier ministre chargé de l’eau et de l’énergie, directeur général de la Sonel.

Jean François CHANNON

Des retraités dans l’agriculture et l’élevage

Et puis il y a les autres, à savoir ces anciens putschistes qui n’ont jamais nié leur appartenance au mouvement J’Ose. Ils sont nombreux encore vivants aujourd’hui. Un décret du président de la République avait demandé leur intégration dans l’armée. Mais en vain. Las d’attendre, ils se sont reconvertis à autre chose. Difficilement, nous avons retrouvé traces virtuelles de certains. C’est le cas de l’ex-commissaire Bouba Sambo. Arrêté, il a échappé on ne sait trop comment au peloton d’exécution de Mbalmayo. Libéré depuis des années, il vit aujourd’hui à Garoua, et est l’un des grands notables de la Cour royale du Lamidat de Garoua avec le titre d’Adiya. Politiquement, il est l’un des vice-présidents du Fnsc de Issa Tchiroma Bakary. L’ex lieutenant Moussa Mamadou qui fut assez actif lors de la tentative de putsch du 6 avril 1984 est désormais chef du village, Lawan, dans le département du Mayo Louti. Le capitaine Salatou Adamou, le tout dernier aide de camp de feu le président Ahmadou Ahidjo, n’a pas pris de manière active à la tentative de renversement de Paul Biya en avril 1984 puisqu’il était en prison avec son chef le commandant Ibrahim. Depuis sa sortie de prison, il s’est reconverti à l’agriculture et l’élevage dans la banlieue de Garoua. A ses côtés, il y a l’adjudant de gendarmerie Adamou Kolfa, lui aussi considéré comme ancien putschiste. Les capitaines Adamou Mohaman et Abdoulaye Tamboutou sont eux aussi dans l’agriculture et l’élevage à Garoua où ils vivent. Quant à leur camarade le capitaine Guerandi, on sait que depuis il vit du côté du Bukina Faso où il professe des enseignements en sciences politiques.

JFC

LE MESSAGER,5 avril 2013

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