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3 janvier 2007

Cameroun: Le problème anglophone

Le 1er Octobre dernier, le Cameroun célèbre du moins dans les écrits son unification (Cameroun anglophone et francophone). Un anniversaire qui intervient chaque fois au moment où la nation souffre de convulsions multiples sur la répartition des richesses et de la participation des ressortissants de toutes les provinces à la gestion des affaires publiques. La question anglophone a refait surface où des manifestations prévues par les sécessionnistes ont été symboliques et beaucoup plus intimidatrices.



Les événements successifs survenus à la date du 45 ième anniversaire de la réunification en 1961 des Cameroun anglophone et francophone au sein d'une même fédération, viennent crûment rappeler les difficultés du président Paul Biya à consolider son projet d'Etat-nation.

A ce jour au Cameroun, les questions à colorations identitaires ne cessent de diviser le pays. Plus de 44 ans après la réunification des deux Cameroun : anglophone et francophone, la symbiose a du mal à s'installer entre les deux entités culturelles. Ce point de vue n'est rendu possible que si nous jetons un regard rétrospectif dans l'histoire de ce pays.

Brefs rappels historiques:

Par le traité du 12 Juillet 1884 ,le Cameroun était devenu un protectorat allemand. Ce pays sera successivement sous mandat de la Société des Nations en 1918 et sous la tutelle de l'ONU le 19 décembre 1946 et administré respectivement par la France et la Grande Bretagne. Ces deux puissances colonisatrices vont imprimer leur politique dans la gestion des deux Cameroun Le Cameroun, divisé en deux zones, devient ainsi un objet de droit international. Dès lors, une mission sera assignée à la France et à la Grande Bretagne par l'ONU. C'elle de préparer les camerounais à une autonomie avancée et à une indépendance totale avec le stricte respect de la dignité humaine et des libertés fondamentales. Apparaissant comme une entité étatique il obtint son indépendance le 1er Janvier 1960.

Déjà en 1959, dans la résolution 1350 (XIII) du 13 mars 1959, l'Assemblée Générale des Nations Unies demande que l'autorité administratrice du Cameroun organise sous la surveillance de l'ONU, des plébiscites séparés dans la partie septentrionale et dans la partie méridionale du Cameroun sous administration britannique " afin de déterminer les aspirations des habitants du territoire au sujet de leur avenir ". Ces plébiscites séparés, organisés les 11 et 12 février 1961 ont été remportés par les partisans de l'unification par 237 575 voix contre 97 741 voix pour le ralliement au Nigeria.

De ces résultats obtenus, un projet constitutionnel viendra faire prévaloir un Etat fédéral avec une Constitution très centralisée en lieu et place d'une province autonome tel que l'avait souhaité le public anglophone. Les deux Etats fédérés s'étaient ensuite fondus dans une République unie après un référendum en 1972, avant que le pays ne prenne son appellation actuelle de République du Cameroun à l'avènement de Paul Biya en 1982. Le pays avait ainsi achevé le processus de démantèlement de la "République fédérale du Cameroun", qui regroupait les Etats anglophones et francophones hérités de la victoire militaire des "Alliés" sur le colonisateur allemand, en 1916.

Le 20 mai 1972, à l'initiative d'Ahmadou Ahidjo, alors Président de la République fédérale, un référendum est organisé au Cameroun. Une seule question est posée aux Camerounais (anglophones et francophones) : "approuvez-vous, dans le but de consolider l"unité nationale et d'accélérer le développement économique, social et culturel de la nation, le projet de Constitution soumis au peuple camerounais par le président de la République fédérale du Cameroun et instituant une République, une et indivisible, sous la dénomination de République Unie du Cameroun ? " A l'issu du vote, le "oui " l'emporta largement. C'est ainsi que la " Southern Cameroon " s'est retrouvé impliquée en février 1972 à la formation d'un Etat unitaire centralisé. Entreprise salutaire...

Pendant le règne d'Ahidjo et aujourd'hui encore, le Cameroun jouit d'une richesse linguistique et culturelle qui est le bilinguisme ( Français- Anglais). En 1984, le successeur d'Ahmadou Ahidjo à la tête de la République Unie du Cameroun, Paul Biya, fit retoucher la Constitution en supprimant le vocable "unie". Pour un groupe de ressortissants de l'ancien Cameroun anglophone, " c'est un acte de sécession, qui retire la République du Cameroun (NDLR ,ancienne dénomination du Cameroun francophone) de l'Etat unitaire ".

Aujourd'hui, des revendications sécessionnistes réapparaissent dans un climat de ni paix, et de ni guerre, pour tout dire une guerre froide qui ne dit pas son nom . Plusieurs mouvements se sont crée pour revendiquer leurs appartenance solidaire à une partie du pays qui s'estime lésée par l'autorité centrale.

Depuis, le président Biya a tenté de donner des gages aux anglophones en nommant certains d'entre eux à des postes de responsabilité, comme l'actuel Premier Ministre Inoni Ephraim

Télechargez ici (Chronologie_des_Premiers_Ministres_au_Cameroun )

Mais il n'est jamais parvenu à calmer les frustrations des provinces du Nord-ouest et du Sud-ouest qui se sentent marginalisées au profit des huit provinces francophones. Ces frustrations ont créé un terreau pour un courant sécessionniste qui s'est radicalisé au cours des années 1990, passant de la simple revendication du retour au fédéralisme à celle d'une indépendance pure et simple, avec parfois de brusques poussées de fièvre.

Celle du 1er octobre 2001 a de loin été la plus violente. Deux manifestations interdites par les autorités à Bamenda et Kumbo (Nord-ouest) ont été durement réprimées par les forces de l'ordre. Ces derniers avaient tiré sur les manifestants qui voulaient proclamer une nouvelle fois l'indépendance du Southern Cameroon, tuant trois d'entre eux et en blessant cinq autres, tandis qu'à Bamenda, les deux vice-présidents du parti sécessionniste, le Southern Cameroon National Council (SCNC) avaient été arrêtés puis libérés quelques semaines plus tard.

Cette année toutes les manifestations prévues par les sécessionnistes ont été symboliques et intimidatrices. Les sécessionnistes estiment que dans le cadre de l'Etat unitaire, les différents gouvernements font la part belle aux francophones, que ce soit dans le développement socio-économique ou dans la gestion des ressources humaines. D'où leur décision de maintenir la Southern Cameroons National Council (SCNC) sorte d'assemblée représentative des intérêts des anglophones. Elle accuse même l'ONU d'avoir failli vis-à -vis des populations anglophones du Cameroun.

En dehors de la menace sécessionniste, l'Unité nationale souffre aujourd'hui des effets du tribalisme. Le Cameroun, compterait plus de trois cents langues, soit autant d'ethnies. Le régime d'Ahmadou Ahidjo a joué sur les équilibres régionaux, adoptant par exemple au niveau de l'éducation, une politique de deux poids, deux mesures. Il faut reconnaître que cette politique a permis à des régions défavorisées, de se créer une classe d'élites.

Cependant, au plan social, l'avènement du multipartisme a exacerbé les différences, non pas politiques, mais ethniques. Les hommes politiques favorisent un repli identitaire des communautés, pour mieux les utiliser. Le regretté Professeur Roger Gabriel Nlep , avait même développé dans plusieurs de ses écrits la notion de " village électoral " pour bien expliquer ce repli identitaire des hommes politiques camerounais .

Ainsi des regroupements à caractère culturel - mais réellement tribal ou régionaliste - naissent dans chaque région du pays : le pays Béti à l'Essingan, le pays Bamiléké au La’akam, le pays Bassa au Mbog Liaa, les Sawa ont le Ngondo ; il existe une Dynamique Kirdi, tout comme le Mbam a son festival, les anglophones du sud ouest, leur SWELA (South West Elite Association) etc. Et comme si cela ne suffisait pas, à l'intérieur de ces regroupements, naissent des micro- regroupements qui précisent davantage les origines des uns et des autres sans oublier les liens de famille. Faits remarquables donc, toutes ces associations sont fondées, dirigées et créées par des hommes politiques, généralement ceux de la chapelle du parti au pouvoir. Quels dangers secrètent tous ces regroupements ? L'avenir le dira.

L'Unité nationale, peut-on dire aujourd'hui, tient difficile la route, car la majorité des Camerounais n’ y est plus attachée .

Elle serait menacée par les luttes politiques qui ne cessent de s'engouffrer dans les petites failles qu'elle présente, pour mieux détruire sa dynamique. Que se soit pour le problème anglophone ou pour les guerres interethniques, en l'homme politique, se trouve le mobile. L'homme politique peut cesser d'être un danger s'il évolue dans un système réellement démocratique, qui ne favorise pas les tricheries et la manipulation. Ce n'est pas encore le cas au Cameroun.

Si on applique les dispositifs de la nouvelle loi constitutionnelle du Cameroun n°96/01 portant révision de la Constitution datant du 18 janvier 1996 au sujet de la régionalisation, celles qui permettent aux populations camerounaises de participer à la gestion de leur région de manière prioritaire, tout le monde va se sentir concerné par la vie de sa région et nécessairement par la vie du Cameroun. Nous pensons que la décentralisation peut être une solution. Mais, il faudrait faire attention parce que le Cameroun malgré sa solidité apparente est fragile et des velléités sécessionnistes peuvent s’exprimer à travers cette décentralisation. Il faut donc être prudent et c’est peut-être pourquoi la démarche du président Biya est lente.

Les camerounais n’ont pas totalement intégré la notion d’appartenance à une seule nation. L’élément tribal est encore fort dans les mentalités de toutes les couches confondues. La décentralisation oui, mais il faut mettre des gardes fous pour qu’elle n’aboutisse pas à un éclatement du pays.

Hugues Bertin SEUMO

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