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20 novembre 2007

Le Bantou de Washington qui fit trembler Paul Biya…

C_lestin_MongaCélestin Monga (photo) est un brillant économiste, actuellement Conseiller du Vice-président de la Banque Mondiale à Washington. Ancien professeur d’Economie au Cameroun, à Bordeaux et à Boston. Cet économiste de premier plan déclencha un mouvement de révolte lorsqu’il publia en 1990 un article dans la presse, article qui horripila les autorités camerounaises au point que tout cela se solda par la mort de plusieurs citoyens.

Monga a gardé ce regard caustique sur son pays d’origine, et nous pouvons, à travers son parcours qu’il raconte dans son dernier livre, Un Bantou à Washington, observer les pratiques actuelles des dictatures africaines, véritables niches de la corruption et du détournement des fonds. Monga raconte comment dès 1990, vivant encore dans son pays natal, il décide de briser le mur, de crever l’abcès : 

« Un jour de décembre 1990, vers midi, alors que je m’ennuyais encore plus que d’habitude dans mon bureau de banquier, fatigué de rédiger des comptes rendus d’exploitation et des analyses de bilans que je savais tous truqués, je n’avais rien d’autre à faire que de m’infliger le discours que Paul Biya, le potentat local, avait prononcé la veille à la chambre d’enregistrement pompeusement affublée du titre « Assemblée nationale du Cameroun » […] Bien que m’étant libéré de toute forme de colère à l’endroit de Paul Biya et de son gang, je n’avais pu m’empêcher de rédiger en dix minutes un petit texte d’humeur intitulé « Lettre ouverte à Paul Biya »…

Le texte paraîtra dans Le Messager. Le Gouvernement enverra des sbires saccager les locaux de ce quotidien local. Monga est alors sous la menace d’une décente de la police. Il trouve le temps de boire tranquillement son café, de mettre son meilleur costume afin de narguer la flicaille qui ne rêve que de le torturer, lui qui fut à plusieurs reprises déjà emprisonné pour ses écrits pendant longtemps sans un jugement.  Faut-il fuir le pays comme le lui recommandent plusieurs journalistes du Messager ? Il y songe, certes. Mais il faut jouer sur l’information. Il a un mentor en France, et ce mentor n’est autre que le rebelle et lumineux écrivain Mongo Beti qui vit alors à Rouen. Un coup de fil de Monga à Mongo Beti, et les médias du monde entier sont informés… La dictature a horreur des moyens de communication extérieures – tout simplement parce qu’elle ne peut les contrôler. Monga n’est plus alors un inconnu. Mais les autorités camerounaises jouent la tenacité, mettent la main sur lui, le jettent dans une prison qui n’a rien à envier à une porcherie. L’arrestation de Monga passe en boucle sur les radios et les télés mondiales. Le peuple camerounais est derrière cet homme qui a osé dire « non ». Le mythe Monga est en marche… au détriment du gouvernement en place. Monga n’est plus seulement Camerounais, il est le fils de tout un continent, le symbole de la liberté…

En prison, il est au “Hilton” :

« …L’échantillon des prisonniers réunis dans ma cellule du « Hilton » évoquait dans mon esprit une Arche de Noé dont Belzébuth lui-même aurait sélectionné les espèces. Les violeurs de femmes rivalisaient d’énergie et d’exubérance avec les braqueurs de domiciles et les membres de gangs, chacun de ces groupes de voyous proclamant fièrement les exploits qui les avaient conduits là, ainsi que le nombre de fois qu’ils avaient échappé à la police… »

Livre excellent, écrit dans une langue belle, ample, élégante, captivante et qui montre que Monga est avant tout un écrivain accompli, un narrateur doué même s’il est un des personnages importants de l’économie mondiale…

Un Bantou à Washington est suivi d’un autre texte, Un Bantou à Djibouti qui est un recueil de pensées, d’impressions que l’auteur notait lors de son voyage dans la Corne de l’Afrique…

Un Bantou à Washington, de Célestin Monga, Editions PUF, Paris, 2007, 208 pages, 14 euros

Par Alain Mabanckou

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Commentaires
R
J'apprécié le travail énorme de cet économiste mais, je voudrais simplement lui dire que c'est bien beau de rester dans son perchoir et parler du cameroun. Il milite dans quel parti politique ? c'est ce qu'il ne dit pas dans son livre que j'ai lu et relu. Opposant c''est du bleuff. Il faut militer dans une formation existante au lieu de porter des critiques sur elles.
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