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26 novembre 2007

UE/Espace Schengen : 24 pays et pas un seul poste-frontière

guerite_frontiere_slovaquie_autriche432Depuis le 21 décembre dernier à partir de 00h01, l’espace Schengen s’est agrandi de 15 à 24 pays, permettant ainsi à 400 millions d’Européens de voyager de l’Estonie jusqu’au Portugal sans rencontrer le moindre poste-frontière. L’évènement est particulièrement émouvant pour les habitants des anciens pays communistes. Pour eux, c’est l’accomplissement d’un rêve qui, il y a encore vingt ans, semblait totalement inaccessible.

Pendant 70 ans dans les pays baltes, et pendant presque un demi-siècle en Hongrie, en Pologne, en Slovaquie, en Slovénie et en République tchèque, partir à l’étranger relevait d’un véritable parcours du combattant sur le plan administratif et financier. Il fallait surtout montrer patte blanche à la police politique qui consultait toutes les demandes de passeport et qui était le vrai décisionnaire en la matière. Les formulaires à remplir contenaient des questions extrêmement détaillées sur la vie professionnelle et privée du candidat au voyage, en particulier sur tous les membres de sa famille séjournant à l’étranger.

Il suffisait d’avoir un lointain cousin ou beau-frère qui avait osé profiter d’un voyage dans un pays capitaliste pour y rester définitivement – pour que l’on soit condamné à vie à ne pas pouvoir franchir la frontière de son pays. Les familles des opposants politiques connus ne perdaient même pas le temps de demander leurs passeports : la réponse négative était connue d’avance. Un voyage en famille était d’ailleurs souvent difficile à mettre en œuvre. Dans beaucoup de cas, la police refusait le passeport à un des époux ou à un des enfants – pour le laisser sur place, en quelque sorte en otage, comme garantie que les autres reviennent.

Les frais de voyage à l’étranger étaient, par rapport au salaire moyen, exorbitants. Pour avoir son passeport et ses visas, y compris ceux de transit, il fallait présenter un certificat d’hébergement ou bien être en possession d’une somme en devises occidentales, très difficiles à obtenir – fortement réglementées au marché officiel, extrêmement chères au marché noir. La somme devait être suffisamment grande pour garantir – aux yeux des autorités aussi bien du pays de départ que du pays d’accueil – la couverture des frais d’hébergement et de nourriture pendant la période de séjour. Et même quand l’on partait enfin, les moments de passage des frontières – à l’aller et encore plus au retour – laissaient des souvenirs bien sinistres. Des barbelés, des postes de tir, des hectares entiers rasés pour dégager la vue aux tireurs – une impression très triste d’être lâché d’une cage pour y revenir.

Liberté enivrante 

UE_schengen200Alors, se réveiller depuis le 21 décembre 2007 dernier au matin et pouvoir se dire : « Eh bien, je saute dans ma voiture et je vais à Berlin ou à Vienne faire mes courses et je reviens dans la journée, juste avec ma carte d’identité et sans voir un seul garde-frontière sur ma route » - cela donne un sentiment indescriptible et enivrant de liberté et de communauté de destin à l’échelle du continent.

Rien d’étonnant, donc, de voir plusieurs manifestations spontanées de joie aux anciens postes-frontières situés le long de l’ex-Rideau de fer ; manifestations qui tournent souvent en dérision les anciennes peurs qui accompagnaient le passage de ce « Rubicon ». Quelques jours avant l’élargissement de l’espace Schengen, les étudiants de l’université européenne Viadrine de Francfort-sur-Oder à la frontière germano-polonaise, ont organisé un happening sur le pont reliant Francfort à la ville polonaise de Slubice. Déguisés en uniformes des anciens garde- frontières est-allemands, ils posaient des questions absurdes aux passants, tout en leur distribuant des tracts avec les expressions les plus utiles en polonais et en allemand, en les encourageant à se parler dans les deux langues, et en les invitant à boire du vin chaud et à manger des gâteaux. Même les vrais garde-frontières n’ont pas résisté à ces petits plaisirs de la bouche.

A la veille de la suppression des postes-frontières, une joyeuse cavalcade de Trabants – voitures cultes de l’ancienne RDA – a traversé le pont à Kostrzyn-sur-Oder, tandis qu’un exemplaire, totalement démonté par les gardes-frontières de l’époque, d’une Fiat 126p – voiture culte de la Pologne communiste – a été vendue aux enchères.

« Notre vraie entrée dans l’UE »

Partout, on organise des cérémonies de sciage des barrières frontalières. La plus solennelle, préparée par la présidence portugaise de l’Union européenne – à l’endroit où se rencontrent les frontières de l’Allemagne, la Pologne et la République Tchèque. Outre les Premiers ministres des trois pays concernés, le président de la Commission européenne José Manuel Barroso et le chef du gouvernement portugais se joignent aux festivités. Pour la petite histoire, le président polonais Lech Kaczynski, ne se voyant pas convié à cette cérémonie, en a précipitamment organisée une autre, à la frontière polono-lituanienne, avec le président de la Lituanie, pour souligner, a-t-il déclaré, que les frontières de l’Europe ne doivent pas s’arrêter justement en Pologne et en Lituanie.

« Ce n’est que maintenant, notre vraie entrée dans l’Union européenne! » - s’exclame une habitante d’un village près de la frontière polono-allemande, citée par l’agence de presse polonaise PAP. Elle n’a peut-être pas tout à fait tort.

Par Piotr Moszynski, RFI

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