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11 mars 2008

USA - Cameroun : Alain Anyouzoa , « Des phrases comme “Biya must go” ne suffisent plus »

Combattant_Alain_Anyouzoa_CamerIl est Principal Scientist, l’équivalent académique de professeur d’université aux Etats Unis d’Amérique. Il a travaillé pour la compagnie Global Info Tek Incorporated reconnue dans les recherches et les systèmes informatiques pour les renseignements. Aujourd’hui, il travaille comme “Senior Software Engineer” au siège de Microsoft à Redmond dans l’Etat de Washington. Lauréat de plusieurs  prix, titulaire d’un PhD en informatique à la Vrije Universiteit en Belgique, c’est à Redmond situé dans l’Etat de  Washington que Camer.be est allé dénicher Monsieur Alain Anyouzoa pour ses lecteurs. Ce spécialiste en Intelligence artificielle d’origine camerounaise donne son point de vue sur l’actualité sociopolitique camerounaise..

Monsieur Alain Anyouzoa, on a ne vous a plus revu  au Cameroun  depuis quelques mois. Que devenez-vous ?

Vous avez parfaitement raison car il y a de cela à peu près deux ans que j’y ai pas mis les pieds, responsabilités familiales et professionnelles obligent. Pour ce qui est de mes occupations actuelles, j’ai quitté la recherche militaire pour me reconvertir dans le civil. Je suis actuellement “Senior Software Engineer” au siège de Microsoft à Redmond dans l’Etat de Washington. Je travaille dans “la performance et l’optimisation des systèmes d’opération”

Parlons tout d’abord de l`actualité camerounaise. Le Chef de l’Etat Camerounais a récemment modifié la constitution du Cameroun pour prolonger son mandat. Pensez vous qu’on peut encore rêver d’une alternance politique à la tête de l’Etat du Cameroun ?

Je vais peut-être en surprendre plus d’un, mais ma réponse est oui. Je comprends que l’on fasse grand cas du fait que le chef de l’Etat ait procédé à la révision de la constitution avec les contours que l’on sait parce que les Camerounais aspirent au changement, quel qu’il soit. C’est un effet de mode dans nos républiques bannières. Ce changement retarde peut-être le renouvellement de la classe politique, mais il n’est pas tragique parce que nous ne sommes pas immortels. N’ayant comme unique moyen de coercition pour pousser au changement que nos vœux, laissons le soin à l’histoire d’en juger les acteurs institutionnels et leurs complices, l’intelligentsia Africaine. Pour moi la tragédie est ailleurs. La sainteté de la constitution a été violée. Non pas qu’une constitution ne peut pas changer. Toute constitution est appelée à s’adapter aux réalités d’une société dans l’espace et dans le temps pour apporter des réponses aux changements de cette société. Le problème est dans la façon de procéder. La tragédie dans le cas présent est que l’on ait ouvert la boite de pandore. On a montré aux Camerounais qu’il est possible de changer la constitution du pays et que c’est facile. On leur a en plus donné la recette pour le faire. Et comme les Camerounais apprennent vite … Les régimes qui vont suivrent ne vont certainement pas se priver de tailler ce machin, ce cache-sexe (constitution) à leur mesure. Cet aspect des choses semble être occulte. Mais c’est à mon humble avis, la conséquence la plus malheureuse de toute cette gesticulation politique. L’établissement dans le temps du règne de l’arbitraire et de l’exception. Il me semble que nous écrivons l’histoire de notre pays au brouillon.

Quelle est votre analyse de la situation politique actuelle au Cameroun ?

Stagnation, expectative, régression, dégénérescence, gesticulation, duperie, feymania, médiocratie, favoritisme, corruption, clientélisme, mal gouvernance, etc. En somme la  bêtise! Mais paradoxalement aussi, existence de ressources (humaines, naturelles, etc.), un peuple frondeur quand il veut, et l’espoir dans un avenir meilleur. En tant que spécialiste des systèmes évolutifs et des systèmes dynamiques, je vois là des ingrédients nécessaires à l’éclosion d’une société nouvelle. Les sociétés humaines ne sont nullement différentes des écosystèmes animaliers en ceci qu’elles répondent pratiquement aux mêmes règles naturelles que ces derniers. Nous faisons partie de la même chaine alimentaire, nous procréons, nous mourrons, etc. Sur cette seule base,  je crois fermement que l’existence des ressources (ressources intellectuelles, naturelles, humaines, etc.) inutilisées, l’espoir et la fierté que les camerounais ont en eux-mêmes, et bien d’autres qualités qu’a le peuple Camerounais représentent des facteurs évolutifs stables qui mèneront à moyen ou à long terme à un changement positif. La bêtise ambiante n’est nullement l’un de ces facteurs stables!

La classe politique dans son ensemble souffre d’un discrédit qui ne dit pas son nom auprès des populations. Un discrédit à la mesure de son irresponsabilité et de ses incohérences. Ce discrédit pousse le commun des camerounais à rejeter la politique. Malheureusement ce rejet est pratiquement impossible de part la définition même du mot politique. La politique se définit en quelques mots comme la gestion de la société. Si vous acceptez le concept d’écosystème que j’ai introduit  plus haut, vous comprendrez qu’il est impossible de rejeter la politique. Nous faisons tous partie du même bateau pour le meilleur et pour le pire. Nos hommes politiques, qu’ils soient au pouvoir ou dans l’opposition, doivent trouver de nouvelles stratégies pour à nouveau intéresser le citoyen moyen à la chose politique. Nos hommes politiques et nos intellectuels doivent éviter de verser dans l’analyse facile et les insultes, et trouver des concepts novateurs pour expliquer aux populations qui, dans la majorité ne sont pas très éduquées, pourquoi il faut qu’il y ait ou non changement, quel genre de changement ils proposent, et comment arriver à ce changement. Et non les utiliser comme chair à canon sachant bien que le pouvoir ne se donne pas. Qu’il s’arrache! Des phrases comme “Biya must go” ne suffisent plus. Vous remarquerez que plusieurs de nos hommes politiques de l’opposition et une certaine intelligentsia n’arrivent plus à élaborer autour du “Biya must go” parce qu’ils affichent eux-mêmes les mêmes fortunes indécentes que les barons du régime, et ont perdu de facto du crédit auprès des populations. “Biya” must go. Et après quoi? Comment allez-vous nous débarrasser du système actuel? Comment allez-vous arrêter la corruption rampante dans nos administrations sachant que tous les camerounais en vivent aujourd’hui? Nous ne voulons plus acheter de la marchandise dans un sac. L’exemple du Sénégal est parlant. Qu’on nous la montre d’abord cette marchandise! Pour ne pas pleurer sur le corps sans dénoncer le meurtrier, je dirai ceci en direction du pouvoir qui a réussi à tuer l’opposition et abruti son peuple: la déliquescence qui entoure son crépuscule donne raison à Oscar Wilde qui, dans sa chute dit “qu’il est moins grave d’avoir trop d’ennemis que de ne pas en avoir du tout”.

Votre commentaire sur l’opération Epervier au Cameroun.

Quand vous avez des fonctionnaires milliardaires, des élus (maires, députés) multimillionnaires et même milliardaires qui, impunément roulent carrossent et construisent des palaces indécents avec la fortune publique, palaces qui parfois côtoient une misère abjecte... Quand la corruption devient un système de gouvernance et que l’on trouve normal de payer sous la table pour recevoir des services publics de base, ou que l’on se meut avec aisance dans les malodorants caniveaux de l'injustice que représente notre justice, alors je pense que vous avez une inversion des valeurs. Résultats des courses, la jeunesse décroche. Les enfants ne trouvent plus les raisons d’aller à l’école parce que l’on peut devenir riche sans avoir à travailler dur. Les ascenseurs sociaux sont grippés. Les passe-droits et les filiations naturelles pour accéder aux postes de responsabilité deviennent la norme. Il suffit d’intégrer les réseaux qui pullulent dans la société et/ou se prostituer pour avoir une vie décente. Ou allons-nous-là ? L’opération Epervier peut être salvatrice à condition qu’elle ne serve pas à des règlements de comptes politiques. Si elle arrive à redresser l’échelle des valeurs au Cameroun, alors on pourra applaudir. Mais pour l’instant, permettez-moi d’avoir quelques réserves. "Corvus corvo oculum non eruit" (dicton latin qui en Français signifie "un corbeau n'éborgnera pas un autre corbeau"). Je pense qu’il est trop tôt pour se prononcer. Let’s wait and see.

Notes de la rédaction : Dans notre prochaine édition Monsieur Alain Anyouza donnera son point de vue sur la diaspora Africaine et Camerounaise en particulier, de l’actualité politique américaine et son incidence sur les pays africains etc.

© Camer.be : Interview réalisée par Hugues SEUMO

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