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3 mai 2019

Journée mondiale de la liberté de la presse : il faut impérativement organiser les états généraux de la presse camerounaise

Journalistes_Persecutes_Cam

Ce 3 mai 2019, c’est la journée mondiale de la liberté de la presse. Cette journée marque une halte pour évaluer et magnifier la liberté de la presse telle qu’elle s’exerce partout dans le monde

A l’évocation de ladite journée au Cameroun, le bilan semble mitigé

Le Cameroun est devenu ces dernières années une figure emblématique de la fragilité des médias en Afrique Centrale. L'on avait cru qu'avec les loi de 1990 sur les libertés et les communications sociales l'on assisterait à ce jour à une liberté de ton et d'investigation.

Les difficultés qu’ils connaissent empêchent en pratique une réelle diversité et révèlent les limites de l’indépendance des journalistes vis-à-vis des responsables politiques et même de leur patron.

Face aux difficultés multiples à remplir quotidiennement leurs missions premières; celle d'informer et rien qu'informer, les journalistes Camerounais pour la plus part sont coincés dans un labyrinthe à l'instar de la peur du système, du manque de sérieux, de clientélisme, etc. Le monde de la presse dans notre pays a encore du chemin à faire.

En ce jour, 03 mai 2019, journée mondiale de la liberté de la presse, c’est peut-être le moment de se revoir dans un miroir vu au prisme de la réalité quotidienne la situation dans laquelle fonctionne nos professionnels de la plume.

Bien que les lois accordent un certain pluralisme de l'information, on assiste toutefois, ces dernières années, à une nette détérioration de la situation de la liberté de presse et des conditions de travail des journalistes dans ce pays voisin du Tchad situé en Afrique centrale.

Les professionnels des médias dénoncent, en particulier, leur situation sociale qu'ils jugent préoccupante. Ils parlent d'atteinte grave à leur évolution caractérisée, au plan social, par une absence de lois qui protègent leur carrière. Une insuffisance que certains journalistes qualifient de "vide juridique".

L'institution du contrat de travail y est galvaudée. Il n'en existe pas souvent ou presque. C'est également le cas d'institutions obligatoires comme les bulletins de salaires, les congés annuels, la couverture sociale et la retraite. Les autres dispositions légales relatives aux accidents de travail, aux maladies professionnelles et autres risques du métier sont ignorés. Il en est de même de l'observation du temps hebdomadaire du travail, de la rémunération du travail de nuit ou de la récupération des week-ends et jours fériés.

Dans la majorité, la presse camerounaise se montre peu favorable à toute organisation moderne du travail. La formation professionnelle continue, connue sous d'autres cieux, est réservée au bon vouloir du directeur de publication qui, à défaut de proposer les mieux servants de ses employés, se forme lui-même à tous les coups bien que n'ayant pas d'apport réel dans les colonnes.

Comités d'entreprises, représentants syndicaux et délégués du personnel sont méconnus. On risque le licenciement en faisant le syndicaliste ou en donnant la parole à certaines catégories de personnes.

Dans cette presse, des pratiques anti-journalistiques se sont instaurées pour arrondir les fins de mois. C'est le cas du gombo et du « journalisme du Hilton » ou de la « Rue Mermoz » qui naissent des conditions de vie et de travail misérables dans la centaine de titres que compte la presse locale.

Le gombo, phénomène fort célèbre au Cameroun, réputé pour sa corruption, est une pratique consistant pour un informateur voulant manipuler l'opinion en sa faveur, à devenir, contre de ridicules subsides, un commanditaire de la publication d'une information qui ne sera pas recoupée pour les besoins de la cause.

Le phénomène consacre en fait une forme de mendicité du journaliste. "Exercer la profession de journaliste, au Cameroun, relève d'une mission difficile, car tout se passe dans un environnement de pauvreté absolue où les acteurs finissent parfois clochardisés : c'est un autre monde",insinuait récemment sous le couvert de l'anonymat, un membre du Syndicat national des Journalistes du Cameroun.

Certains analystes estiment, toutefois, qu'il est impérieux d'assainir le milieu de la presse afin d'aider les professionnels des médias à impulser une réforme de leur profession capable de créer davantage de richesses et de réduire la pauvreté dans leurs rangs.

D'autres , évoquent une certaine vulnérabilité économique des médias qui a une influence directe sur les contenus. Elle explique en partie la confusion qui règne dans bien des titres entre articles de presse et publi-reportages qui figurent dans de nombreux médias sans être présentés en tant que tels.

Licenciements abusifs à la pelle.

Au plan social, plusieurs dizaines de journalistes ont été licenciés abusivement au Cameroun depuis plusieurs années. Ils n’ont guère bénéficié d’une aide judiciaire. Seul le président du SNJC et son collègue Gilbert Tchomba y ont eu droit par exemple en 2006 lors de leur licenciement.

Aucune manifestation de solidarité véritable de leurs collègues n’a été relevée, conséquence du déficit de culture syndicale.

De même, la justice camerounaise, n’a jamais traité les cas sociaux avec la célérité qu’exige la doctrine. Cette situation est souvent aggravée par la tendance à la rivalité inutile tous azimuts des organisations professionnelles de l’échiquier, déstructurées, mais uniquement soucieuses de préséance auprès des bailleurs de fonds.

Plusieurs d'entre eux se trouvent en prison ou menacés d'être emprisonnés au Cameroun. L'on a aussi assisté il y a de cela quelques années au décès d'un directeur de publication à la prison de Yaoundé. Selon Emmanuel Mbiedi, chroniqueur à l'hebdomadaire la République, cette affaire est révélatrice de la situation des journalistes au Cameroun. Il dénonce une « instrumentalisation de la justice pour mettre les journalistes hors d’état de nuire, à un moment crucial de la vie politique nationale ».

Le monde la presse au Cameroun est aussi la cible des intimidations, qui interviennent notamment quand la situation politique se tend.

Ne faites pas par exemple pas de révélations sur la crise anglophone ou de la secte de Boko Haram. C’est le cas ces derniers mois avec Mimi Mefo. Journaliste à Equinoxe télévision, arrêtée en novembre 2018 en situation professionnelle par les autorités camerounaises et jetée en prison où à l'issue d'un procès kafkaïen, elle a recouvré la liberté après avoir été inculpée par un tribunal militaire d’atteinte à la “sûreté de l’Etat”.

Depuis la tenue de la présidentielle le 7 octobre 2018, au moins six journalistes ont été interpellés au Cameroun, dont deux restent incarcérés.


Michel Biem Tong, promoteur d’un site Internet, a été arrêté en octobre 2018 a retrouvé la liberté le 14 décembre 2018. La veille, le Président camerounais Paul Biya avait décidé de "l'arrêt des poursuites pendantes devant les Tribunaux militaires contre un certain nombre de personnes arrêtées pour des délits commis dans le cadre de la crise" anglophone.
Il était poursuivi pour « apologie de terrorisme, déclarations mensongères, outrage au chef de l’État » par le Tribunal militaire de Yaoundé pour avoir critiqué les autorités camerounaises dans la gestion de la crise anglophone et indexé les forces de sécurité dans la perpétration de violations graves des droits humains. Des cas similaires sont nombreux au Cameroun.

Que dire des journalistes violentés par nos force de l’ordre ?

Dans un contexte tendu comme il en est le cas actuellement, nous demeurons persuadé qu’il est impératif que les forces de l’ordre réfléchissent sur les questions de sécurité en lien avec les médias afin de créer les conditions d’une bonne collaboration. Et cette amélioration de cette collaboration pourrait certainement contribuer à une mobilisation citoyenne plus forte.
Certes, il est vrai que lorsqu’un policier par exemple fait de la violence sur des citoyens, il ne veut pas que la presse en parle. Il vaut mieux éviter d’être violent que de chercher à cacher les actes de violence. Le journaliste qui relate ces faits dans son média, n’est pas vu du bon œil par ce policier.

Que dire des chasseurs d'argent ?

Chasseurs et chasseuses d’argent dans les ambassades, organisations internationales et entreprises, ces « confrères et consœurs » font feu de tout bois, y compris la compromission aveugle avec les patrons les plus délinquants et les autorités, pour se donner de la prépondérance. Ce schéma renforce la psychose généralisée du licenciement abusif avec son lot de déni de droit ; elle renforce auprès d’un certain public de confrères l’idée d’un patronat « qui contrôle toute la situation ».

L’on peut toutefois affirmer que, depuis quelques temps, la situation s’est légèrement améliorée suite aux multiples assauts du (seul) Syndicat National des Journalistes du Cameroun (SNJC) contre les patrons indélicats, lesquels ont fait l’objet de dénonciations systématiques relayées dans les médias.

En dépit des bas salaires, d'arriérés, de l'absence d'équipement, des terribles conditions de travail, du harcèlement des officiels et d'autres maux chroniques, les journalistes camerounais essaient de faire leur métier. Quiconque est tenté de pester contre un titre ou des phrases mal écrits devrait s'en rappeler. Car le fait même que ces journalistes essaient de faire de leur mieux est déjà admirable. Et ils font chaque jour un peu mieux.

Les journalistes survivent à cet enfer parce qu'ils aiment leur métier. Cette journée du 3 mai 2019 devrait être une journée de remise en question à la fois chez les journalistes et les patrons des journaux Camerounais et des journalistes qu’ils emploient. Une manière de remettre sur la sellette la problématique de l’emploi de ceux qui chaque jour font frémir ceux qui pensent à un changement véritable au Cameroun.

Hugues SEUMO

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