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10 août 2007

La démocratie représentative malade du "parachutage politique"

Paul_Biya_et_madameBeaucoup de leaders politiques camerounais qui se découvrent aujourd'hui les vertus démocratiques (si tant est qu'ils en sont convaincus) sont ceux-là même qui ont lutté farouchement hier contre l'introduction du pluralisme politique au Cameroun. Bien d'entre eux ont affirmé l'immaturité politique des camerounais, arguant que le peuple camerounais ne peut pas encore assumer les libertés qu'exige le pluralisme politique.

Ces politiciens conservateurs qui, malgré tout, sont restés au pouvoir ne parviennent pas toujours à se recycler et à prendre à temps le train de la démocratisation.

En effet, les stratégies de discrimination du peuple par le fait politique accompli au nom duquel certains deviennent spontanément les représentants et les portes-paroles du peuple sont à ce sujet révélatrices. Les intrigues de positionnement entre les élites ressortissant d'une région qui se soldent par des parachutages politiques au dos du militant sont des pratiques qui minent les bases d'une démocratie naissante. Plus ces pratiques s'accentueront, plus l'accès démocratique à la classe politique tendra à se scléroser et plus l'ethos du refus du politique tendra à se développer.

Dans l'imagination populaire, la politique comme espace symbolique de compétition entre les candidats à la représentation du peuple est une activité dangereuse. Dans un environnement social marqué par la prégnance d'une culture politique de sujétion, cette image ne manque pas de fondement. D'ailleurs le comportement particulièrement belliqueux de certains prétendants à la représentation du peuple renforce ce sentiment. Des intimidations au " viol des consciences " par des propos démagogiques en passant par des pratiques occultes, certains hommes politiques ne sont pas toujours en phase avec l'esprit rationaliste qui sous-tend les débats politiques démocratiques. Désabusés et terrifiées, certaines catégories des populations intériorisent une conception tératologique de la politique : elles deviennent des spectateurs médusés et des victimes résignées du combat des géants. ( Fort à propos, une élite de la localité de Bamenda fait valoir dans un discours lors de la visite du président de la République dans la région : " Quand les éléphants luttent, ce sont les herbes qui souffrent ")

Il découle de tout ceci une tendance au développement dans le corps social des schèmes de refus des activités à connotation politique. L'ethos du refus de la chose politique provient assez souvent des violences politiques récentes ou anciennes qui laissent presque toujours des séquelles indélébiles dans la consciences collective.

Les intimidations politiques, les manœuvres démagogiques de nature dolosive utilisées dans l'art du parachutage politique, en avivant les archétypes de rejet de la participation politique démocratique, conduisent inéluctablement à une " démocraticide ", conséquence malheureuse d'une démocratisation au détriment du peuple.

" Démocratiser par le haut " (C'est la conception dominante qui a prévalu jusqu'à la fin des années 80, au nom de la recherche d'un équilibre régional, ce qui a abouti à la mise sur pied d'un Etat patrimonial de facture autoritaire et clientéliste), voilà un concept qui, dans l'anonymat, se cache derrière les pratiques de parachutage politique. Quand ces pratiques " retirent aux rites électoraux toute crédibilité comme on le voit lors des compétitions dont l'argent est souvent le vainqueur ", on assiste à l'avènement d'une base militante essentiellement prébendière. Celle-ci étant obligée de jouer, malgré elle, le jeu de la montée d'une classe politique essentiellement " fortunogène ".

Un militantisme de ventre

Les campagnes électorales sont des moments de prédilection pour apprécier le niveau de communication politique de base dans une société en processus démocratique. C'est le moment par excellence où le peuple éprouve sa souveraineté. Faute d'une stratégie de négociation fiable avec l'électorat, les candidats parachutés par les états majors des formations politiques préfèrent jouer sur la fibre émotionnelles grégaire des militants. Ainsi, en est-il de ces riches hommes d'affaires qui n'ont pour seul argument de campagne que l'insolence de leur fortune. Ils deviennent subitement magnanimes et compatissants cherchant ainsi à récupérer les frustrations des jeunes sans espoir dans une société où la crise de l'emploi s'aggrave. Les candidats proposés au peuple par les oppositions nées avec l'avènement d'un multipartisme, souvent administratif, ne miroitent que des promesses d'un changement au contours flous. En manipulant les jeunes désœuvrés, ils n'ont aussi qu'une seule ambition : " Ôte-toi là que je m'y mette " Par conséquent, beaucoup de militants de base ont de plus en plus tendance à brader leur voix en échange d'une pitance inespérée ou d'une poignée de CFA. Dans ces conditions l'éducation démocratique de base se néantise : le militantisme de raison (s'il en fut) cédant le pas au militantisme de cœur, et davantage à celui du ventre.

Que recherchent ces richissimes hommes d'affaires, ces heureux cadres de la haute administration de l'Etat qui viennent toujours discuter des mandats dans leur village, au détriment des résidents locaux pressentis à cet effet ? Sans doute qu'en politique, le cumul des mandats et des responsabilités participe de la stratégie d'accroissement et de sécurisation du pouvoir. Mais dans une démocratie en herbe, dès lors que cette recherche effrénée de la capitalisation du pouvoir sert au premier chef les intérêts égoïstes, tout fondement démocratique du pouvoir devient évanescent. Combien sont-ils les représentants du peuple, qui après une session parlementaire, une réunion du conseil municipal reviennent organiser des séances d'explication à la base ? Cette question devient lancinante quand ces soi-disant représentants du peuple se présentent au village à la veille des échéances électorales et disparaissent une fois le mandat acquis, n'ayant leur principal domicile que là où ils exercent leur principale activité.

En réalité, l'accès à la classe politique devient une stratégie pour faire fructifier les affaires personnelles et pour mettre une main égoïste dans les fonds destinés au projet de développement d'intérêts locaux. La politique n'étant pour beaucoup de camerounais qu'une voie d'accession à la richesse. A partir de cette position d'enrichissement ou de pouvoir essentiellement fortunogène, le représentant parachuté par la haute autorité politique, doit, pour continuer à jouir de sa confiance, déployer sa propre influence autour de lui, dans sa région d'origine.

En définitive, dans une société en cours de démocratisation où la vie quotidienne des citoyens se trouve régie par des dispositions anonymes de pouvoir, l'imposition des candidats à la représentation du peuple ne contribue pas à atténuer les effets pervers des logiques de gouvernement, souvent trop rationnelles. Le parachutage des candidats du centre vers les circonscriptions électorales périphériques ne favorise toujours pas cette convivialité entre le milite de base et son représentant ; ce qui annule la création des modes de communication parallèles propres à attirer efficacement l'attention des instances dirigeantes sur les difficultés d'application, sur le terrain des mesures d'ordre général. Sur le strict plan de l'apprentissage démocratique, le parachutage politique est peut-être l'une des maladies infantiles du processus démocratique camerounais. Mais cette maladie risquerait de se muter en une gangrène " démocraticide " si l'on ne consent pas rapidement au peuple son rôle historique dans le processus démocratique en cours. Car, longtemps laissée à la phraséologie officielle, la démocratie ne viendra que d'en bas ; c'est-à-dire du peuple, détenteur souverain du pouvoir.

Par Dr Pierre Ngeukeu Dongmo, Politologue
In Annales de la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques, édition spéciale, Droits de l'Homme, Tome 4, 2000. Cameroun

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Commentaires
L
Je remercie l'auteur de cet article qui revient sur ce problème de parachutage des élus dans notre pays.Mais je pense que la seule possibilité de parier à ce genre de pratique relève de la volonté des élus actuels.Simplement parceque les hommes politiques actuels se plaisent dans un système qui leur permet de prendre en hotage les électeurs sans avoir des comptes à rendre à qui que ce soit.La conséquence immédiate est la pratique d'un système dictatorial.Il faut bien se rendre compte que la démocratie dans un pays comme le notre ferai beaucoup de mal à nos dirigeants actuels,car personne ne veut avoir à rendre des compte au peuple qui est sensé etre souverain.<br /> La solution passe alors par le respect scrupuleux des lois de la république et la création d'un organne de gestion et de l'organisation véritablement indépendante.Car attendre des hommes politique actuels un changement de comportement est illusoire dans la mesure ou ils trouvent dans ce système leur compte.La limitation du mandat présidentielle à cinq ans renouvelable une seule fois et respectée par tous,ainsi que celle des députés à cinq ans renouvelable également une fois peut permettre de décanter avec le temps plusieurs génération de politiciens et impose un rajeunissement de la classe politique.Toutes ces contraintes peuvent avec le temps permettre au peuple de reprendre en main son destin.<br /> Le boss depuis Caen France.
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