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11 août 2007

Voyager en transport public au Cameroun : Véritable parcours de combattants..

Route_EstNotre reporter récemment s'est rendu dans la province de l'Est au Cameroun pour un séjour d'une semaine  et reconstitue ici le film d'une aventure.

Parti de Yaoundé le 10 août dernier, il arrive à Batouri le 11 aux environs de 15 heures. Ici, la terre est rouge, le ciel gris.

A Yaoundé, le stationnement est une sorte de grand parking pour bus de marque Saviem  tous délabrés. Les voyageurs arrivent tous avec des valises, mais pour la plupart, ce sont des sacs de toiles remplis de nourritures.  La guichetière nous confirme le départ pour 8H30.   Quarante cinq minutes plus tard, les sacs sont chargés sur le toit du bus qui double de hauteur. Le véhicule peine à démarrer. Il part sans ses voyageurs ; Curieux je m’informe. “Il est parti prendre le carburant » me répond t-on. 

Le bus revient quelques minutes après et tous les passagers montent à l’intérieur. Sur la porte il est inscrit “19 Places”.Les voyageurs entrent et entrent encore. Au total, nous sommes : 19 adultes, 10 enfants.

Après avoir roulé pendant  une quarantaine de minutes, nous arrivons à un poste de contrôle de la police. “Cartes d’identité s’il vous plait” nous lance le policier tout en effectuant un salut main tendue contre le front. Trois Nigérians sans passeports sont retenus. Le policier veut 10 000 FCFA pour les laisser passer. Ils sont prêts à débourser 5 000 FCFA. Ils resteront sur place après 30 minutes de négociations.

Le long de la route boueuse qui mène à Batouri, des familles attendent debout, valises apprêtées, qu’un véhicule s’arrête pour les prendre. Le chauffeur profite d’un arrêt ravitaillement en bouteille de bière pour récupérer un Monsieur accompagné de son fils.

Au total, nous sommes 20 adultes et 11 enfants. Il rassure ses passagers que "c'est pour payer la route". C'est-à-dire que les frais de transports payés par ces deux passagers serviront à corrompre la police au prochain poste de contrôle.

Cinq minutes après que le chauffeur ait démarré son véhicule, Une embrouille éclate dans le bus. Un autre passager refuse d’acquitter la totalité de son billet. Les éclats de voix s’entrechoquent. Le chauffeur arrête son moteur et descend. “C’est simple mon ami. Tu paies, on continue ensemble. Tu ne paies pas, tu arrêtes.” L’homme grogne. Il sort du bus par la fenêtre.  On compte cette fois : 19 adultes, 10 enfants.

Après 10 heures de route, la nuit commence à tomber, le chemin est encore loin, on commence à avoir mal aux fesses et les jambes peinent à trouver le moindre centimètre carré pour changer de position. Devant moi, un gamin, coincé entre les cuisses de sa maman tient debout tout seul. Il grignote un gâteau sec qui tombe sous forme de pâte sur les voisins. 

Arrivé dans un village non loin de Batouri, une femme  supplie le chauffeur de la laisser monter. La femme convainc le chauffeur et finalement elle monte dans le bus. Dix minutes plus tard, la passagère supplie pour descendre. Elle a oublié un sac…

A peine le car immobilisé pour laisser la femme, des individus surgissent dans la nuit noire, armés de gourdins et de machettes. Ils intiment aussitôt l’ordre au chauffeur de prendre le sentier situé juste à côté, et qui les conduira vers un espace aménagé  par les sociétés forestières. Rapidement, tous les passagers sont délestés de tout ce qu’ils ont de valeur : des téléphones portables, de l’argent se trouvant dans les sacs des femmes ou dans les poches des hommes, et même quelques bijoux.
 
Un passager tente d’appeler le 117 pour indiquer que des coupeurs de route les avaient immobilisés. Mais, à cette heure de la nuit, il a eu du mal à identifier le secteur et est convaincu qu’ils ne sont plus loin de Batouri. Dans les bureaux de police de Batouri, il n’y a que deux policiers de garde. Ces derniers le rassurent qu’ils viendront mais, en vain.

Entre temps, les coupeurs de route sont partis avec leur butin. Nous retournons dans notre bus car plongé dans la pluie. Cette dernière vient ralentir notre rythme. Le bus, dans les descentes, part dans de longues glissades ; Les plus impressionnantes provoquent des silences terminés par des souffles de soulagement. La police venue à notre secours nous interpellent et  fait des misères à un couple dont la carte d’identité n’est pas à jour. “Les Baka ont leur carte et vous Camerounais, vous n’êtes pas capables de l’avoir à jour. Je ne peux pas laisser passer ça…”. Il leur en coûte 3000 FCFA chacun qui passent de main à main. 

Coincé vers ma fenêtre, elle ne se ferme plus. L’eau de la pluie ruisselle sur ma cuisse gauche. Nous croisons une file de grumiers. 

Le voyage en bus est long, mais il est rare de s’ennuyer tant les situations inattendues s’enchaînent dans une ambiance bon enfant. Les contrôles de police, les coupeurs de routes,  les discutions houleuses, les voyageurs qui se succèdent, la poussière dans les narines, la pluie dans le bus, le mal de fesses… Autant de souvenirs qui deviennent de bons souvenirs, une fois arrivé à destination où on passe des nuits sans électricité. Ainsi va le Cameroun.

Y. TANKEU

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